L'Executive Education menacée par la concurrence étrangère et les EdTech

Comment va évoluer le marché de l’Executive Education en France ?

Entre les besoins en lifelong learning, la multiplication des projets de reconversion des cadres et les ambitions de certaines écoles de commerce dans l’Executive Education (ExEd), le marché français de la formation continue pour les cadres et le top management sera bien orienté. Les revalorisations tarifaires alimenteront également la croissance de ce marché. Dans ce contexte, il progressera au rythme de 5% par an en moyenne d’ici 2025 pour dépasser la barre symbolique des 500 millions d’euros, selon nos prévisions. Après s’être effondré de 25% en 2020 (à 323 millions d’euros), le marché tricolore de l’ExEd s’est déjà redressé de 30% en 2021 à 419 millions (à comparer à environ 2 milliards au niveau mondial), d’après nos estimations. Le développement des écoles hexagonales sera néanmoins entravé par la concurrence étrangère (et en particulier la montée en puissance des formations asiatiques et la persistance de l’attractivité des programmes britanniques malgré le Brexit). Le risque d’hypercompétition au niveau mondial est en effet bien réel. Il est ainsi possible d’accéder en quelques clics aux programmes d’Executive Education en ligne de la Harvard Business School. La percée des acteurs digitaux, comme les EdTech (par exemple CrossKnowledge ou OpenClassrooms), peut également constituer un motif d’inquiétude pour les acteurs en place. Enfin, il existe un risque de dégradation de l’expérience d’apprentissage et de l’image des écoles. En investissant dans le digital, les acteurs traditionnels de l’ExEd ont mis à mal plusieurs de leurs singularités, comme le suivi rapproché des apprenants. Dans la période de l’après-crise sanitaire, les écoles vont devoir se poser la question du bon dosage entre cours physiques et e-learning.

 

La donne concurrentielle va-t-elle être bouleversée ?

Le marché de l’Executive Education se caractérise par la présence d’un très grand nombre d’acteurs aux profils différents (business schools, écoles d’ingénieurs, universités, organismes de formation, EdTech…) mais certaines écoles de commerce, comme HEC Paris et l’INSEAD, en trustent l’essentiel. A moyen terme, le haut du marché restera entre les mains des grandes business schools en raison de leurs nombreux atouts (notoriété, excellence académique, localisation à Paris…) même si elles se heurteront aux ambitions des écoles d’ingénieurs sur le terrain de la transformation digitale, l’un de leur pré carré. Le milieu/haut de gamme est investi par plusieurs intervenants, en particulier une majorité d’écoles de commerce, quelques écoles d’ingénieurs, Sciences Po Paris et une poignée d’universités renommée comme Dauphine. Ces acteurs se concurrenceront à travers la nature de leur offre plutôt que par les prix. Le bas du marché sera de loin le segment le plus concurrentiel en raison des offensives des écoles de commerce « suiveuses », des écoles privées post-bac, des académiques mais aussi des EdTech. A plus long terme, la concurrence des EdTech pourrait menacer plus sérieusement les écoles proposant des formations exécutives. Aujourd’hui, ces plateformes se positionnent davantage comme des substituts ou des partenaires. Mais les choses pourraient bien évoluer dans la mesure où ces acteurs digitaux accélèrent le lancement de nouveaux programmes (facilités avec les confinements de 2020) et développent de véritables programmes diplômants, propices à être dispensés 100% en ligne.

  

Quels sont les grands axes de développement des acteurs de l’ExEd ?

Nous avons identifié quatre principales pistes de développement chez ces opérateurs. Sous l’effet du basculement en ligne du catalogue de formations, au plus fort de la crise, et le recours croissant au blended learning, en période normale, la digitalisation de l’offre est l’une de leurs priorités. L’enrichissement du catalogue de formations longues (création ou adaptation) est également au programme. La multiplication des programmes courts est aussi d’actualité, en particulier pour les formations dites techniques des écoles d’ingénieurs et pour les formations en management des écoles de commerce (souvent alignées sur le compte personnel de formation). Le renforcement de l’offre française sur la scène internationale et l’ouverture de campus à Paris constituent aussi des axes de développement majeurs pour les acteurs tricolores de l’Executive Education.

Alexandre Boulègue est directeur du bureau d’études Xerfi Publishing, qui produit chaque année plus de 1000 études sur la conjoncture et les performances des entreprises de l’ensemble des secteurs de l’économie française. Il est également rédacteur en chef de la lettre d’information mensuelle sur la conjoncture Xerfi Previsis.