
AVIS D'EXPERT | Pierre Paturel | Publié le 25 Juillet 2025
Energie et environnementIndustrieAutomobileFace à la pression croissante pour réduire l’empreinte carbone du transport aérien, les carburants durables pour l’aviation (SAF) s’imposent comme une solution prometteuse. Issus de la biomasse ou de procédés innovants, ces biocarburants représentent une alternative crédible au kérosène fossile. Avec des objectifs réglementaires ambitieux et des investissements majeurs, la filière SAF (sustainable aviation fuel) connaît une dynamique forte, bien que des défis subsistent en matière de rentabilité et de compétitivité.
Le marché du transport aérien attire de plus en plus les producteurs de biocarburants, qui cherchent à diversifier leurs débouchés face au ralentissement du marché automobile. L’aviation représente aujourd’hui entre 4% et 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre en tenant compte du forçage radiatif, ce qui en fait une cible prioritaire pour la transition énergétique.
Les perspectives de développement des SAF sont renforcées par des réglementations favorables. L’Union européenne prévoit une incorporation progressive des carburants renouvelables dans les aéroports, avec un objectif de 2% en 2025 et une montée à 85% d’ici 2050. La France soutient également cette transition avec un plan d’investissement de 200 millions d’euros pour accélérer la production de SAF sur son territoire.
Plusieurs grands acteurs de l'énergie et des biocarburants ont investi dans le secteur des SAF, mais la réalité du terrain révèle une situation contrastée.
TotalEnergies est un acteur majeur. Sa raffinerie de La Mède, en Provence, a débuté sa production locale de SAF en juin 2025. Un accord a été signé avec Air France pour la fourniture de biocarburants, et l'Aéroport Marseille Provence bénéficiera d'un « circuit court » unique en France, avec un site de production situé à seulement huit kilomètres. Cependant, l'expansion de l'unité de production de SAF à Grandpuits, qui devait faire passer la production annuelle de biocarburant de 210 000 à 280 000 tonnes à partir de 2027, a été suspendue. Cette décision souligne les difficultés rencontrées en Europe, où la production de SAF peine à se développer, contrairement aux usines qui se multiplient aux États-Unis et en Asie.
Shell et BP, deux géants britanniques des hydrocarbures, ont également suspendu leurs projets européens de production de SAF à l'été 2024, invoquant une faiblesse de la demande et la fragilité du modèle économique. Shell avait initialement des objectifs ambitieux : produire environ 2 millions de tonnes de SAF par an d'ici 2025 et atteindre 10% de SAF dans ses ventes mondiales de carburéacteur d'ici 2030. L’interruption de la construction de son usine de biocarburants à Rotterdam en juillet 2024 est toutefois de nature à jeter le trouble sur la continuité de ces ambitions.
La situation de la start-up française Global Bioenergies illustre les défis du secteur. Après avoir abandonné son projet d'usine de bio-isobutène faute d'investisseurs, la société s'est concentrée sur les SAF. Des tests menés en collaboration avec Safran et l'Onera ont montré des résultats prometteurs. Ces avancées techniques avaient permis à l'entreprise d'obtenir une certification de l'ASTM, organisme de normalisation. Toutefois, malgré ces succès techniques et des partenariats (notamment avec Shell, le ministère des Armées et Repsol), Global Bioenergies a annoncé en juin 2025 être à la recherche d'un repreneur, faute d'investisseurs stratégiques et face à des difficultés financières (trésorerie limitée, dettes importantes).
Ces situations contrastées mettent en lumière les défis inhérents à l'essor des SAF. Malgré les avancées technologiques et l'intérêt croissant, des incertitudes pèsent toujours sur la viabilité économique de cette filière. Les volumes de carburant aviation restent faibles comparés au marché automobile, ce qui complique la rentabilisation des investissements massifs nécessaires à la production. De plus, les coûts de production des biocarburants aéronautiques demeurent bien supérieurs à ceux du kérosène fossile. Cette différence de prix risque d'impacter directement les marges des compagnies aériennes et, in fine, le prix des billets pour les passagers.
La fiscalité des SAF représente un autre enjeu majeur. L'absence d'un cadre harmonisé sur la taxation des carburants durables par rapport au jetfuel conventionnel freine leur adoption à grande échelle. Des ajustements réglementaires seront nécessaires pour garantir une transition efficace et compétitive vers une aviation plus respectueuse de l'environnement.
Cartographie des acteurs, perspectives du marché et défis de la filière française à l'horizon 2035
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