« Le 100% Santé profitera au marché des prothèses et implants dentaires »

Comment le déploiement du 100% Santé va-t-il bénéficier à la filière dentaire ?

Notons en préambule que l’exercice 2020 restera dans les annales pour le confinement consécutif à la pandémie de Covid-19 qui s’est traduit par la fermeture des cabinets dentaires entre mi-mars et mi-mai. Malgré des signes de redémarrage rapide depuis, aucun effet de rattrapage n’est à espérer au second semestre 2020 pour les fabricants d’implants et les prothésistes dentaires. A tel point que nous prévoyons un repli de 15% et 9% du chiffre d’affaires respectivement des fabricants d’implants et de laboratoires de prothèses cette année. Malmenée par la période de confinement, la filière en France devrait retrouver des couleurs ensuite avec une montée en puissance progressive du dispositif RAC 0 et plus globalement du 100% Santé à compter de 2021. Le centre de gravité du marché devrait d’ailleurs se déplacer vers les soins d’entrée de gamme à court terme. Le critère prix sera dès lors déterminant et de nature à favoriser les produits importés. Ce qui pèsera sur la valorisation du marché. Non remboursables, les poses d’implants n’étaient a priori pas concernées par la réforme du 100% Santé. Dans la pratique, celles-ci vont profiter des évolutions du jeu concurrentiel des OCAM induites par sa mise en place. En réalité, le 100% Santé va se traduire par une remise à plat des rapports de forces entre OCAM et acteurs de santé, les premiers ayant tout intérêt à étendre leurs activités aux actes d’implantologie. Dans ce contexte, l’activité des prothésistes dentaires va rebondir de 17% en 2021 puis augmenter de 6% en 2022, selon nos prévisions. De la même façon, le baromètre d’activité Xerfi des fabricants d’implants dentaires enregistrera un rebond technique de 12% en 2021 pour renouer avec un trend pré-confinement à partir de 2024 seulement. Entretemps, les professionnels devront en effet composer avec un pouvoir d’achat des patients durablement amputé. Ce qui alimentera les renoncements à la pose d’implants.

 

Comment alors résister à la concurrence ?

Les services de conception et fabrication assistée par ordinateur (CFAO) représentent désormais plus de 10% du chiffre d’affaires des prothésistes dentaires, contre 3% en 2010. Et cette tendance devrait persister ces prochaines années alors même que la CFAO a gagné du terrain dans les cabinets dentaires depuis le déconfinement. Enjeu de compétitivité, l’intérêt de la CFAO est également renforcée par la mise en place du RAC 0 qui favorise le recours à des fabrications usinées et monolithiques en zircon. Le potentiel d’équipement reste conséquent même si cela implique de consentir de lourds investissements. Pour mutualiser les moyens de production et ainsi franchir le cap de l’industrialisation, la course à la taille des prothésistes dentaires va donc s’intensifier. C’est d’autant plus vrai que les opportunités seront nombreuses entre les laboratoires affaiblis et la multiplication des projets de transmission d’entreprises. Pour limiter la concurrence par les coûts, les compétiteurs s’invitent dans les segments historiques, Premium et Value. Ce qui entraîne une porosité croissante entre les deux univers. Les leaders des implantes dentaires (Envista, Straumann, Dentsply Sirona et Zimmer-Biomet) se sont alors engagés dans des logiques de gammes, à la fois pour préserver l’image de marque des fabricants premium et pour limiter la cannibalisation des ventes. Au-delà de l’implantologie, les leaders s’efforcent de se positionner en tant que « guichet unique » auprès des chirurgiens-dentistes en remaniant leur offre en profondeur.

 

Quels rapports ces professionnels entretiennent-ils avec les chirurgiens-dentistes ?

Parce qu’ils représentent un véritable réservoir de croissance, les jeunes chirurgiens-dentistes ont été particulièrement sollicités par les majors de la profession pendant le confinement. Communiquer auprès de cette cible, qui pratique très peu l’implantologie, est en effet crucial pour les fabricants d’implants alors de nombreux départs à la retraite sont attendus. La crise du Covid-19 a en réalité constitué un catalyseur à la dématérialisation de la communication et de la formation des fabricants d’implants pour mieux toucher ces digital natives.

Alexandre Boulègue est directeur du bureau d’études Xerfi Publishing, qui produit chaque année plus de 1000 études sur la conjoncture et les performances des entreprises de l’ensemble des secteurs de l’économie française. Il est également rédacteur en chef de la lettre d’information mensuelle sur la conjoncture Xerfi Previsis.