
AVIS D'EXPERT | Alexandre Boulegue | Publié le 25 Juillet 2025
Transport et logistiqueLa filière maritime est à un tournant, confrontée à une pression réglementaire renforcée sous l’impulsion de l’Union européenne, en particulier avec le programme Fit for 55. Ce cadre vise une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 55% d’ici 2030 (par rapport à 1990) et impose de nouvelles obligations au secteur du transport maritime, qui représente plus d’un milliard de tonnes de CO2 par an, soit 3% des émissions mondiales.
L’intégration du transport maritime au Système d’échange de quotas d’émission (SEQE-UE) marque une étape décisive : depuis 2024, les armateurs doivent progressivement couvrir leurs émissions (40% en 2024, 70% en 2025, 100% à partir de 2026). Le règlement FuelEU Maritime introduit également une réduction progressive de l’intensité carbone des carburants maritimes, avec une baisse attendue de 80% d’ici 2050, et l’obligation d’utiliser au moins 2% de carburants renouvelables d’ici 2034. À l’horizon 2030, les porte-conteneurs devront aussi se connecter à l’alimentation électrique à quai dans les ports européens.
Au-delà de la réglementation, la pression des chargeurs s’intensifie. L’intégration de critères environnementaux dans la politique d’achat de transport est un levier rapide pour réduire l’empreinte carbone logistique. Selon une enquête Carbone 4 et bp2r pour Sightness, 71% des chargeurs en 2023 affirmaient avoir défini ou en cours de définition un plan d’action pour la décarbonation du transport de marchandises.
Le recours aux biocarburants et carburants de synthèse (e-méthanol, e-ammoniac) s’impose parmi les principales solutions de décarbonation du transport maritime. Leur déploiement à grande échelle dépendra toutefois de la compétitivité-prix, liée à la montée en puissance des capacités de production. Le groupe danois Maersk s’est ainsi engagé avec l’Espagne dans un projet de 10 milliards d’euros pour développer deux sites de production de méthanol vert, qui devraient couvrir 10% des besoins de sa flotte. Ce projet s’ajoute à des initiatives similaires en Égypte, avec une production visée de deux millions de tonnes de méthanol vert par an d’ici 2030. En mai 2025, Maersk a commencé à recevoir les premières livraisons pour une partie de sa flotte, marquant une étape clé dans la concrétisation de ces ambitieux objectifs.
Le groupe français CMA CGM multiplie les investissements pour accélérer la décarbonation du transport maritime. Après la mise en service de ses tout premiers navires au GNL, avec le mythique « Jacques Saadé » en septembre 2020, le groupe a récemment réceptionné le « CMA CGM Iron », premier d'une série de douze porte-conteneurs de sa future flotte au méthanol. Au total, le programme de construction de CMA CGM comprend 24 navires à propulsion bicarburant méthanol. Le groupe s'est également engagé avec Qingdao Beihai Shipbuilding Heavy Industry pour la conversion de dix unités existantes au méthanol.
En parallèle, CMA CGM abonde un fonds dénommé « Fonds de dotation pour la décarbonation de la filière maritime française » à hauteur de 200 M€ et piloté par Bpifrance. En 2024, ce sont 5 premiers projets qui ont été sélectionnés suite à un appel à projet : projet GSR OP4 Wasp (outil de routage pour les navires équipés de systèmes de propulsion par le vent), Vela (système de pilotage automatisé des voiles de cargos), Navhypac (pile à combustible à hydrogène adaptée au secteur maritime), PANDP (solution d'alimentation électrique à quai à base de gaz naturel) et Tess (logiciel de jumeau numérique pour optimiser la construction et la maintenance des navires).
Si les navires à hydrogène restent à l’état de projet, la propulsion vélique (à voile) connaît un regain d’intérêt, avec un potentiel de réduction de 20% de la consommation de carburant sur certaines routes, notamment la transatlantique. Cette technologie « plug & play » séduit par sa facilité d’intégration sur des navires existants. En juin 2025, l'armateur français Neoline a mis à l'eau son premier cargo équipé de voiles rigides automatisées, visant une réduction significative de sa consommation de carburant sur ses routes transatlantiques. Selon Alcimed, une dizaine d’acteurs français se positionnent sur ce créneau innovant.
Conformément aux exigences de FuelEU Maritime, plusieurs ports européens ont lancé des projets pilotes ambitieux pour l'alimentation électrique à quai. Le Port de Marseille-Fos a significativement progressé dans le déploiement de l'alimentation électrique à quai, notamment pour les navires passagers, avec un objectif de raccordement pour la majorité d'entre eux d'ici fin 2025. Ces infrastructures permettent une réduction drastique des émissions locales lors des escales.
La décarbonation du transport maritime est donc à la croisée de la réglementation, de l’innovation technologique et de la transformation des modèles d’exploitation. Cette dynamique, portée par l’ensemble des acteurs, place la France et l’Europe à l’avant-garde d’une mutation stratégique pour un transport maritime bas carbone.
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