AVIS D'EXPERT | Olivier Lemesle | Publié le 20 Octobre 2021
AlimentaireBiens de consommationIndustrieLa France est un acteur majeur des spiritueux au niveau mondial. La production nationale s'élevait à 4,6 Md€ en 2020, situant l'Hexagone à la deuxième place en Europe derrière le Royaume-Uni qui s’appuie sur la présence du leader mondial Diageo et une imposante filière whisky. La France peut compter sur une longue tradition dans la distillation et la préparation d’alcools, grâce notamment à la présence de matières premières de qualité (vignes, orge, blé, plantes aromatiques, fruits, etc.) et à la présence d’un important tissu d’entreprises dans le secteur. Surtout, les grandes maisons françaises telles que Hennessy, Martell ou Rémy Cointreau ont su pousser très loin la valorisation de leurs produits (cognac notamment), à tel point que les alcools distillés élaborés en France sont aujourd’hui mondialement reconnus pour leur image de marque, synonyme de luxe. Les entreprises implantées sur le territoire national sont spécialisées dans les cognacs qui représentent à eux seul 60% de la production en valeur (30% en volume), mais aussi dans les rhums et la vodka.
Véritable singularité du secteur, il existe une divergence significative entre la structure du marché français et la structure de la production nationale. Si le whisky est la boisson la plus consommée dans l’Hexagone, la quasi-totalité des bouteilles sont importées du Royaume-Uni et la production nationale reste pour l’heure anecdotique malgré l'essor d'une véritable "filière whisky" ces dernières années. En revanche, alors que le cognac représente l'essentiel de la production nationale en valeur, il n’est que très peu consommé en France et essentiellement destiné à l’export.
L’exercice 2020 a été marqué par un choc de la demande sans précédent sur le hors domicile, un circuit qui pèse environ 15% du marché domestique en volume pour un chiffre d’affaires hors taxes de 730 M€ (France Agrimer, Girafood Service). Touchée de plein fouet par la crise sanitaire, l’activité de la restauration hors foyer (y.c. bars, discothèques, etc.) a chuté sur le dernier exercice, et les ventes d’alcools en CHR ont plongé de 45% en volume sur l’année d’après la Fédération française des spiritueux. En baisse tendancielle depuis une dizaine d’années, les ventes de spiritueux et apéritifs en GMS ont en revanche bondi de 4,5% en volume en 2020 pour atteindre 5,7 Md€ et environ 254 millions de litres : du jamais vu depuis 20 ans. En cause, le report d’une partie de la consommation hors domicile vers le foyer. En effet, une fois passé le « choc » du premier confinement pendant lequel les ventes d’alcools ont sensiblement reculé, les Français se sont ensuite adaptés à la nouvelle donne et, avec la fermeture des bars et restaurants, la consommation à domicile a fortement progressé sur le reste de l’année. Ainsi, la plupart des segments ont progressé en valeur en grande distribution. C’est notamment le cas des whiskies et des rhums, traditionnels moteurs du rayon, mais aussi plus, surprenant, des anisés dont les ventes ont progressé de 4,3% en valeur sur le dernier exercice.
Sur les marchés étrangers, un débouché qui représente plus de la moitié du chiffre d’affaires du secteur, la demande a également souffert en 2020. Dans un contexte de pandémie mondiale, la consommation de spiritueux a reculé de 7,2% en volume d’après le cabinet IWSR pour tomber à 3,3 milliards de caisses de 9 litres. Ce sont ainsi 3 ans de croissance qui se sont évaporés en l’espace de 12 mois, avec par ailleurs un effet mix produit négatif (les ventes de bouteilles d’exception sont fortement corrélées à la conjoncture mondiale) qui a encore accentué la baisse du marché en valeur. Aux États-Unis et en Chine, les deux principaux marchés à l’export, les importations de spiritueux ont reculé d’environ 8% en 2020, une baisse somme toute mesurée au vu du contexte.
Si le secteur de la fabrication de spiritueux est sans aucun doute impacté par la crise liée à la Covid-19, avec un taux de concentration extrêmement élevé, des marges historiquement très importantes, un niveau d’endettement modéré et une structure de l’actionnariat favorable (présence de nombreuses filiales de grands groupes d’envergure internationale), le tissu industriel semble solide et ne devrait pas être impacté outre mesure, d’autant plus que la reprise des ventes à l’export a été très rapide en 2021. En effet, après avoir dévissé en 2020 , la demande internationale s’est redressée très rapidement en début d’année 2021, à tel point que les exportations françaises de spiritueux (essentiellement du cognac) ont bondi de 45% au premier semestre, soutenues par la demande émanant des marchés américains et asiatiques. Les producteurs de cognac, qui représentent l’essentiel des exportations françaises en valeur, sont ainsi en passe de résorber en un seul exercice les pertes de 2020.
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Diplômé de l'IEP de Toulouse et arrivé à Xerfi depuis 2013, Olivier Lemesle est directeur d'études et responsable qualité/formation. Il a notamment en charge l'encadrement des études de la collection Essential, tous secteurs d'activités confondus.
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