AVIS D'EXPERT | Vincent Desruelles | Publié le 30 Novembre 2021
ImmobilierAprès un bond de 10% en 2021, les revenus des agences immobilières traditionnelles devraient encore s’apprécier de 4% en 2022 tandis que le chiffre d’affaires des têtes de réseaux de mandataires s’envolera de plus de 20%. Un tel dynamisme favorisera l’installation durable de nouveaux entrants et de modèles alternatifs, dont celui des néo-agences avec leur tarif forfaitaire ou à taux réduit. En réalité, c’est une véritable redistribution des cartes qui se profile à l’intérieur même du circuit intermédié. La part de marché des agences vitrées dans la transaction de logements anciens devrait ainsi tomber à 48% à l’horizon 2025 tandis que les réseaux de mandataires pourraient représenter 20% des ventes (15% aujourd’hui) et les néo-agences entre 1,5% et 2% (moins de 0,5% actuellement) prévoient les experts de Xerfi Precepta. Alors que leurs structures de coûts différaient radicalement jusqu’ici, désormais leurs modèles d’affaires convergent. Le particulier à particulier (PAP) devrait lui se maintenir à environ 34% de parts de marché en moyenne sur le territoire. Cette nouvelle donne dans l’immobilier s’illustre également par le poids croissant des prestataires technologiques, SeLoger et Leboncoin en tête. Dans ce contexte, les professionnels de l’intermédiation immobilière tentent de reprendre la main. C’est le sens de leur investissement dans le portail Bien’ici ou d’une présence accrue sur les réseaux sociaux. La pression concurrentielle est en réalité montée d’un cran dans chaque catégorie d’intermédiaires dans un marché en plein essor et qui se maintiendra à haut niveau jusqu’en 2022. Car si les ventes dans l’ancien reculeront de 2% l’an prochain, elles resteront supérieures à 1 million de transactions. Ce recul doit en fait s’appréhender comme une « accalmie » du marché après l’euphorie observée en 2021 (+12,3%).
Aujourd’hui, aucune position n’est figée dans l’intermédiation. En clair, tout nouvel entrant peut bousculer les hiérarchies établies. C’est d’ailleurs bien ce qu’illustre le démarrage spectaculaire de Stéphane Plaza Immobilier qui s’est hissé en six ans parmi les cinq principales enseignes tricolores. Chez les mandataires, l’Américain eXp ambitionne lui de créer un réseau de plusieurs centaines de négociateurs en France. Quant au Crédit Agricole, il envisage de proposer des services immobiliers au sein de ses agences. Sans oublier le paysage des néo-agences amené à se structurer davantage.
Les mandataires s’affirmeront comme les grands gagnants dans cette redistribution des cartes de l’intermédiation immobilière. Leur modèle de recours massif aux agents commerciaux devrait se diffuser chez leurs concurrents en quête de davantage de flexibilité. Pour les agences traditionnelles, la flexibilisation des frais de personnel est une option pour limiter l’érosion des marges à l’œuvre depuis 2018 malgré la croissance des revenus. Par ailleurs, le recours à un système incitatif où une part significative de la commission revient au négociateur, comme dans les réseaux mandataires, pourrait faire tâche d’huile, en particulier au sein des agences.
L’industrialisation du modèle, chère aux mandataires et surtout aux néo-agences, est aussi une réalité de plus en plus prégnante chez l’ensemble des acteurs. Il s’agit d’utiliser massivement les outils technologiques pour automatiser des tâches, gagner du temps et reproduire à l’identique des bonnes pratiques comme la publication d’annonces dotées de visuels de qualité, d’un plan et d’une visite virtuelle. Le potentiel de croissance des principaux réseaux de mandataires n’est pas épuisé comme en témoigne les 5 000 négociateurs supplémentaires enregistrés en 2021. Le renfort de fonds d’investissement, comme Insight Partners qui a injecté 300 millions d’euros dans IAD, offrira de nouveaux moyens au service du développement.
Les néo-agences (Liberkeys, Hosman, Proprioo…) ont pour leur part stabilisé leur modèle et s’appuient désormais sur la généralisation des usages numériques dans l’immobilier, accentuée par les confinements. Leur modèle repose sur une automatisation des tâches et l’absence d’implantation physique, contre une commission forfaitaire ou à taux réduit (3% à 5%). Ils ont la confiance du private equity et notamment du capital risque qui a investi près de 45 millions d’euros ces dernières années dans des entreprises proposant une intermédiation à coût réduit, offrant la possibilité aux enseignes de recruter et couvrir de nouvelles localisations.
Alors que plus de 90% des projets immobiliers commencent sur Internet, les principales enseignes ont en partie rattrapé leur retard dans le digital. Les acteurs de l’immobilier cherchent dorénavant à dématérialiser une partie des processus inhérents aux transactions avec, par exemple, un recours accru aux logiciels de transactions et aux outils de saisie automatique des annonces. Des investissements qui doivent leur permettre d’augmenter leur productivité et de raccourcir les délais de traitement. Quant aux estimations immobilières en ligne, elles sont aujourd’hui proposées par de nombreux acteurs et se banalisent.
Le travail sur les visuels est un levier éventuel de différenciation pour les opérateurs. Idem pour le déploiement des visites virtuelles et la modélisation 3D des programmes neufs qui permettent d’améliorer la qualité de la navigation et, au final, la captation des données clients. Quant aux réseaux sociaux, ils semblent incontournables en matière de communication tant ils constituent un outil de conquête client et un moyen d’affirmer son positionnement d’expert de l’immobilier (conseils, partage d’articles…). Les partenariats commerciaux destinés à élargir l’offre de biens (locations saisonnières, prestige…) et de services associés (en amont comme le home staging ou en aval comme le déménagement) constituent également un bon moyen pour regagner du pouvoir de marché.
Les stratégies clés pour tirer parti de la reprise à venir des marchés immobiliers
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