AVIS D'EXPERT | Alexandre Boulegue | Publié le 27 Septembre 2021
IndustrieEnergie et environnementLentement mais sûrement, la filière française de la chimie du végétal, qui pèse plus de 7,5 milliards d’euros, gagne du terrain sur la pétrochimie. Son poids dans le chiffre d’affaires de l’industrie chimique tricolore montera ainsi à 14,6% en 2025 (un peu plus de 13% en 2020), selon nos prévisions. L’activité des spécialistes de la chimie du végétal de notre panel augmentera certes moins vite que par le passé (4% par an d’ici 2025 contre près de 7% entre 2013 et 2020) mais elle restera plus dynamique que l’ensemble du secteur de la chimie. Pour expliquer cette tendance, citons en premier lieu la mutation de la demande des marchés clients (santé-beauté, détergence, peintures , etc.) vers des produits « naturels », qui cherchent à répondre au besoin de naturalité des consommateurs finaux, à se conformer à l’évolution de la réglementation, incitant de plus en plus au respect de l’homme et de l’environnement, ou encore à appuyer leurs stratégies RSE (ou le simple verdissement de leurs marques). En outre, l’augmentation des capacités de production dans le secteur de la chimie du végétal, avec en particulier le passage au cap industriel de start-ups, va aussi soutenir l’activité. Sans oublier les efforts croissants de R&D des acteurs pour concevoir des solutions plus performantes et ainsi conquérir de nouveaux clients, à l’image de Solvay avec sa solution de vanilline naturelle, certes plus coûteuse que celle à base de pétrole mais d’une intensité aromatique plus puissante, et donc économiquement compétitive. Pour autant, la prise de parts de marché de la chimie du végétal à la pétrochimie sera lente dans la mesure où le changement des modes d’approvisionnement reste conditionné à l’évolution de l’outil de production des entreprises clientes.
Pour se poser en alternative crédible à la pétrochimie, la filière française de la chimie du végétal doit s’émanciper de la concurrence par les prix. Cela peut notamment passer par la réduction de l’empreinte écologique de leurs produits ou encore le développement de molécules sans équivalent pétrosourcé. La réduction des coûts de production reste malgré tout un enjeu majeur, notamment en améliorant les procédés existants ou en atteignant une taille critique. Pour les spécialistes, se doter d’une stratégie de communication pour faire connaître leurs produits et bien sûr être en mesure de financer leur développement sont aussi impératifs. Par ailleurs, le pays ne manque pas d’atouts pour permettre à la filière de se développer. Je pense en particulier à l’abondance de matières premières entrant dans la fabrication de produits biosourcés (algues, forêts, ressources agricoles) ou encore à la vitalité de la recherche tricolore en biotechnologie. Sans oublier le soutien important des pouvoirs publics, au niveau national mais également européen (le BBI-JU par exemple), pour développer les technologies du végétal. Le contexte actuel de la crise, qui a révélé la vulnérabilité des chaînes de production européennes et les risques que faisait peser la dépendance à l’approvisionnement étranger sur la France, a en outre stimulé le développement de politiques allant dans le sens de l’autonomisation en matière première du pays comme en témoigne le volet « relocalisation » du Plan de relance, pour lequel des spécialistes de la chimie du végétal ont été sélectionnés.
La filière regroupe plus de 300 sites industriels et laboratoires en France appartenant à des catégories d’acteurs variées. En amont, des agro-industriels comme Tereos, Roquette, ADM ou Cargill exploitent des bioraffineries où sont élaborés des produits amylacés (amidon, glucose, polyol…). En aval, des géants de la chimie élaborent des produits chimiques biosourcés à l’image d’Arkema avec sa gamme Rilsan de polyamides à partir d’huile de ricin. Le tissu tricolore compte également des spécialistes de la chimie du végétal, à l’instar de DRT, le leader mondial des résines terpéniques. Sur le créneau de la chimie bleue (à base d’algues), Olmix, Greentech et JRS Marine Products Landerneau arrivent en pole position. Le passage des jeunes pousses (majoritairement positionnées au stade de la R&D) à la phase industrielle pourrait changer la donne à terme, même si les évolutions seront longues tant les grands groupes installés poursuivent leurs emplettes et leur déploiement à l’international pour conserver leur rang. Des sociétés de biotechnologies comme METabolic EXplorer viennent en particulier de passer ce cap.
Flambée des prix des matières végétales, besoin de financement, problèmes d’approvisionnement et de compétitivité : quelles perspectives d’ici 2026 ?
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